Le coup de poing fut à peine senti par l'orc. Sa nature forte et le fait que la demoiselle ne s'y était pas mit sérieusement aidait grandement. Il ne pouvait cependant pas garder son sérieux, surtout avec les paroles prononcées par cette dernière. Lui, son prisonnier. C'en était risible. Mais il allait jouer le jeu si telle était la décision de Mira. Sans se défaire de son sourire, il fixa la blonde pour écouter enfin les exigences de cette dernière.

- Je n'ai jamais été un prisonnier docile miss. Trop sauvage. Certains ont tenté de me mettre en cage et n'ont reçu que des emmerdes pour récompenses.

Il paru presque déçu de la requête de cette dernière, trop prévisible à son goût, mais ne le fit pas remarquer. Il avait donné sa parole et n'était pas du genre à s'en soustraire. De sa voix grave, il accéda à ses exigences.

- Soit ! Je resterai avec toi pour t'apprendre à les maîtriser !

C'était un ordre assez facile à exécuter compte tenu du fait que la demoiselle ne comptait pas s'éloigner du camp de l'Esper. Si elle avait été d'une nature plus aventureuse, cela aurait fort risqué de poser problème au pauvre chaman. Le géant vert se releva alors, croyant être débarrassé de son boulot, mais voilà qui n'était pas au goût de son invitée qui le surpris par sa dernière requête.  

Ouvrant bien rond ses yeux, il la fixa sans bouger, au milieu de sa tentative de se relever. Il devait avoir l'air bien couillon en cet instant mais ce que demandait la blonde était tout bonnement au dessus de ses forces. Lui préparer des tartes au fraises. Mira trouvait un Esper Magister, un être aux pouvoirs incommensurables et elle lui demandait de lui faire des pâtisseries. Puis croyant à une blague de sa part, il se mit à rire. Un rire fort s'échappa de sa gorge alors qu'il se relevait complètement pour dominer une fois de plus de toute sa hauteur l'humaine.

- Hahaha ! Elle était bien bonne celle-là ! Tu as failli m'avoir ! Me demander de te faire des tartes aux fraises ! Hahaha ! J'aurais jamais cru que tu pouvais être une comique Mira ! Mais bravo ! Tu m'as bien surpris ! Sur ce... Voici ton sort : Feux d'artifices.

Il fit alors apparaître une boule de feu dans sa main qu'il avança lentement vers la demoiselle jusqu'à ce que cette dernière la touche et disparaisse dans de petits scintillements. Une fois ceci fait, il s'éloigna d'elle afin de la laisser manier s'habituer à ses nouveaux pouvoirs.

A la répartie de la jeune femme, le géant vert se retint à grande peine de sourire narquoisement. Qu'elle essaye la petite ! Il allait tellement rire à la voir échouer. Si une armée d'orcs n'avaient pas réussi à le garder dans une cage, ce ne serait très certainement pas une frêle humaine qui y réussirait... Surtout s'ils se trouvaient dans son domaine. Son sourire s'intensifia d'autant plus que la demoiselle lui envoya un regard noir. Boarf ! Si ça pouvait l'amuser...

Haussant des épaules, il la laissa faire mumuse avec son nouveau don. Préférant la quiétude d'une zone plus tranquille au tintamarre incessant d'une blonde en train de faire péter des feux d'artifice à tout va. Il fut vite sorti de son moment de repos lorsque l'humaine se mit à hurler un « Ça marche ! » Mais bien sur que ça fonctionnait ! Il n'était pas un magicien de pacotille après tout ! Bon okay il n'était pas un magicien non plus ! Du moins de son point de vue.

Il leva un sourcil à son exclamation tout en la fixant du regard. Cette dernière s'adressa alors à lui. D'abord un remerciement... suivi d'un reproche. Rha ces femmes humaines ! Jamais contentes ! Au moins avec sa tendre épouse Lazgar, il n'avait pas eu ce genre de désagréments. Mais les prises de becs avec l'orquette n'étaient pas rares compte tenu de leur caractère têtu et obstiné.

- De rien !

Fit-il sarcastiquement alors qu'il croisait les bras sur sa large poitrine. Reniflant presque la remarque. Il allait lui montrer qui allait devenir docile entre eux ! Apparemment elle n'avait pas oublié son idiote d'idée de lui faire faire une tarde aux fraises. Ça allait être plus difficile que prévu de lui faire oublier... ou pas. N'effaçant pas son sourire, l'orc lui fit comprendre l'ineptie de sa lubie.

- Tu sais Mira... On se trouve sur un volcan. Avec de la lave, de la chaleur et des terres quasi-désertiques. Crois-tu sincèrement que je puisse trouver des fraises ? Des fruits qui poussent dans des régions plus clémentes... et plus sylvestres... Je ne peux pas faire de miracles ma petite. Et je ne sais pas vraiment coudre. C'est plutôt une activité de femme ça !

D'un mouvement de ses deux mains, il présenta sa toge miteuse qu'il avait réussi tant bien que mal à arranger après les nombreux méfaits des combats subits. Le résultat était désastreux et on se demandait comment cet amoncellement de peaux pouvait encore tenir si ce n'est par une quelconque intervention divine. Les coutures étaient grossières et ne tiendraient très certainement pas longtemps mais c'était ce qu'il avait réussi à faire avec le peu de connaissance en la matière.

- Je n'ai jamais appris à coudre tout comme je n'ai jamais appris à faire à manger. Dans mon clan, chacun avait son rôle et ces deux-là ne m'étaient pas attribués. Je peux te faire des bijoux, des armes et des morceaux d'armures mais ni couture ni cuisine !

Il resta tout du long de son explication assit, tentant de rester aussi calme que possible. En quelques sorte, l'exigence de la blonde l'avait un peu froissé. Ce n'était très certainement pas ce qu'on pouvait exiger d'un guerrier et cela le faisait bien chier d'être comparé à une femme au foyer. Malgré ceci, il n'en fit rien savoir et mit tout ça sur le compte de l'inculture de la demoiselle. Après tout, elle en savait encore moins sur les orcs que lui sur les humaines... déjà que les rares savoirs qu'il avait eu lui venait d'une seule femme alors qu'est-ce que cela pouvait être pour elle, elle qui n'avait jamais vu d'autres représentants de sa race.

Si les réponses d'Arslack n'avaient pas l'air de réjouir l'humaine, elles eurent au moins pour effet de lui plaire à lui grâce aux réactions de cette dernière.

- Mais si tu veux, je peux t'y emmener tout de suite !

Menaça-t-il tout en faisant apparaître un portail de flammes juste à coté d'eux tout en la pointant de son immense main. Il voulait vraiment lui faire comprendre qu'elle était sur son territoire et qu'elle pouvait y rester jusqu'à ce qu'il ne puisse plus la tolérer.

- Au moins on a un point commun, aucun de nous deux ne savons ni coudre ni cuisiner.

Puis le ton commença doucement à se calmer avec une nouvelle question de la part de la blonde.

- Je ne sais pas s'il peut confectionner quelque chose... Pour être honnête, je ne me suis pas attardé à discuter avec cet humain.

Il laissa passer quelques secondes avant de reprendre. De toute façon la curiosité de la blondinette l'aurait très certainement conduite à lui poser la question.

- On va dire que les gros orcs verts sont assez mal vus dans la région... A cause de leur caractère quelque peu brutal et sauvage...

La nouvelle question posée manqua de faire sourire notre hôte involontaire. Lui rappelant quelques souvenirs. Quel tempérament ! L'humaine ressemblait beaucoup à sa défunte femme pour ça. Toujours à pointer du doigt les idées préconçues et décidée à se faire entendre. Cette orc était une redoutable chasseresse et de mémoire il ne l'avait jamais vue revenir bredouille.

- Non ce n'est pas une tâche réservée aux mâles. Ma femme en était une et la meilleure chasseresse de notre clan. Donc tu pourras venir avec moi mais évite de nous faire fuir le gibier !

Fit-il narquoisement. Ce n'était pas vraiment méchant, juste une petite boutade destinée à titiller la demoiselle. Il ne put pas vraiment jubiler des réactions de son invitée que cette dernière continua d'étaler toute sa curiosité. Il était vraiment en face d'un enfant qu'il fallait éduquer.

- Notre rôle au sein du clan est déterminé lors du rituel pour passer à l'âge adulte. La manière dont on résout l'épreuve dévoile nos compétences et notre potentiel. Avec cela, nous sommes orientés vers la tâche qui collera le plus avec nos attributs. Cela se passa-t-il comme ça aussi chez toi ?

- Discuteront avec toi ? Je parie un kalys que ça va finir en baston générale ça !

Renifla-t-il peu convaincu par l'idée de la demoiselle. Cela faisait à peine deux jours qu'elle était arrivée sur Calypta et il pouvait sentir qu'elle allait rapidement s'attirer des ennuis. C'était d'ailleurs assez étrange de voir un électron libre dans une armée. Il avait connu les militaires humains dans son monde et personne ne discutait les ordres. Ce qui n'était pas le cas de la blondinet. Il fini par soupirer.

- En tout cas, tu as sûrement souvent été de corvée de patates ma petite...

Il écouta alors l'humaine lui parler de son enfance, il était clair qu'ils en avaient eu une tout à fait différente tout les deux. Sauf peut-être le fait que lui non plus n'avait pas vraiment eu le choix de son devenir.

- Mira... Je n'ai pas voulu être shaman... On me l'a imposé... Même si avec le temps je me suis fait à l'idée de devoir être un pilier essentiel à mon clan mais aussi partager mon monde avec les esprits... aussi enquiquineurs soient-ils...

Fit-il sur un ton menaçant alors qu'un petit esprit de la terre tentait de faire le mariolle devant ses petits camarades. Ce n'était pas bien méchant mais ces élémentaires étaient si petits qu'oser mettre la patience du géant vert à bout était une grande preuve de courage. Une fois la réprimande entendue, le petiot ne se fit pas prier pour déguerpir, rapidement suivi de ses semblables alors que l'orc retint avec peine un rire au fond de sa gorge.

- Non je n'ai pas vraiment eu le « loisir » de discuter avec des peaux roses... Comme je te l'ai déjà dit, on n'est pas vraiment très appréciés par les humains nous les orcs. Enfin ceux de ce monde... mais comme je suis aussi grand et vert que les autres on me réserve le même sort. Je dois me cacher à leurs yeux lorsque je vais marchander pour éviter de me faire flécher à vue.

Il se souvint alors de la première fois où il était entré en contact avec les autochtones du village voisin. Ça avait été plus que chaotique pour faire simple. Ce fut plusieurs semaines après sa fuite qu'il tenta de trouver de l'aide pour l'orienter vers un lieu où il pourrait se poser. Les paysans voyant arrivé la masse verte crurent à une attaque des peaux vertes et Arslack fut bien accueilli par une volée de flèches. Une alla d'ailleurs se loger dans son épaule droite.

Après cette expérience désastreuse, il fini par visiter de temps en temps un marchand non loin de la ville mais caché sous un long manteau de fourrure pour éviter d'être reconnu. L'homme n'était pas un mauvais bougre, loin de là. Mais il se refusait à faire de nouveau liens avec les humains.

- Mon seul et unique est Crocs Sanglants et cela me suffit amplement... De toute façon je suis très mauvais perdant...

Fit-il pour plaisanter et dédramatiser la situation. A ce mots, le gros warg passa sa massive tête sous le bras du shaman afin que ce dernier lui grattouille derrière les oreilles.

Haussant les épaules à la question de la blonde, l'orc préféra ne donner qu'une partie de la réponse. La réalité était beaucoup plus amère que ce qu'il voulait bien lui dire. Plus que la solitude, c'était le fait d'avoir été tragiquement séparé des siens, sa famille, ses repères, qui lui manquaient cruellement.

- Bof pas vraiment... Dans mon monde natal je vivais déjà loin des humains alors ici c'est un peu pareil... Et j'ai des mauvaises relations avec les peaux-vertes locales... Quelques différents...

Comme il était si simple de minimiser les choses. En réalité les quelques différents avaient été une capture des plus abruptes par ces derniers suivi d'un enfermement ponctué de quelques combats à mort. Non vraiment rien de bien méchant!

- Chaque esprit a son propre caractère. Il serait difficile de tous les ranger sous la même bannière... On peut discuter, ils nous entendent après tout. Ce n'est pas parce que vous ne voyez pas qu'ils ne sont pas des existences pourvues de réflexions. Les humains ne sont pas les seuls doués de la parole petite...

Pour lui qui avait vécu au milieu de nombreuses créatures, cette dernière question semblait presque comme une insulte. Sa réaction première avait été de le lui faire remarquer mais il se souvint d'un détail. L'univers d'origine de la demoiselle ne semblait contenir que des humains en être doués de penser. C'est pourquoi il avait préféré répondre d'une manière moins abrupte.

- Et des fois je préfèrerai s'ils ne me dérangeaient pas à tout bout de champs...

Le vieil orc eu un sourire presque attendri devant la réaction de l'humaine. Cette dernière se comportait comme si elle était maître de la situation face à cet Esper. Elle avait vu ses pouvoirs mais elle agissait aussi naturellement que s'il était l'un de ses semblables. Toujours occupé par la grosse tête poilue qui demandait des papouilles, il descendit plus bas pour grattouiller le menton du ouargue qui s'écroula au sol, laissant son ventre en évidence.

Arslack caressa par la suite l'encolure de l'animal et lorsqu'il arriva à l'abdomen, l'animal fouetta l'air de l'une de ses pattes arrières, tel un gros chien. Bon un gros chien qui pouvait déchiqueter un homme d'une morsure mais bon...

S'occupant de son vieux compagnon, l'orc eu soudain une idée. La blonde semblait tellement curieuse d'en connaître sur les esprits que ça lui paru une bonne expérience. De plus un peu de changement ne lui ferait pas de mal. Tournant son regard ambre vers elle, il lui proposa tout simplement.

- Si tu veux, je peux te les montrer. Les esprits. Comme ça tu pourras leur poser la question toi même.

Il laissa quelques secondes à Mira le temps d’assimiler l'idée avant de continuer tranquillement ses explications.

- Le monde immatériel ne peut être vu que par ceux qui en ont les compétences sauf dans les endroits gorgés de magie. Là où le flux est si dense que le voile entre nos deux monde devient faible. Nous permettant de voyager d'un monde à l'autre. C'est une expérience impressionnante mais qui peut-être dangereuse.

- En ce cas all...

La phrase de l'orc fut coupée dans son élan par les cris de famine du ventre de l'humaine. Restant coi quelques secondes, il fini par exploser de rire. De son puissant rire tonitruant et pourtant bienveillant, il laissa éclater sa joie sans se retenir. Depuis combien de temps n'avait-il plus rit ainsi ? Trop longtemps à son goût.

Son hilarité passée, il abdiqua face aux besoins naturelles de l'humaine et la ramena au camp sans plus de cérémonie. Là, il y prépara le repas et si la demoiselle s'attendait à autre chose que de la viande, elle allait être déçue. Il rajouta tout de même quelques pommes de terre cendreuses, qu'il avait protégées à l'aide de feuilles, dans les flammes. Tranquillement et sans honte, il s'expliqua.

- Mis à part ça et le poisson, je ne sais rien faire en cuisine. Faudra t'y habituer ou non trouver un cuisinier.

Fit-il narquois. C'était plus une blague qu'un réel conseil. Après tout, il était un ermite et se complaisait dans sa solitude. Bien que celle-ci fut mise à mal depuis quelques temps grâce aux bons soins de la blonde.

Le repas se passa dans le calme, le peau verte se focalisant plus sur son assiette, qu'il dévorait avec appétit, que sur ce qui l'entourait. Bon, le fait d'être un Esper et tout savoir si son domaine aidait grandement à ne pas l'inquiéter. De plus, le fait qu'il y ai enfin un peu de calme le satisfit. Ayant la bouche pleine, Mira pouvait difficilement l'assaillir de questions. Enfin il se l'espérait. Les humaines lui avaient d'ailleurs prouvé qu'elles étaient pleines de ressources et toujours prompt à lui casser les couilles.

S’éclipsant rapidement pour aller préparer de quoi subvenir à leur voyage, il annonçait deux ou trois jours sans retrouver son camp. Depuis bien longtemps ça ne lui était pas arrivé de s'absenter aussi longtemps de son point de repère. Ça allait être une grande nouveauté pour lui. Accompagné d'une humaine, ces venues aux seins des terres pourraient se montrer moins chaotiques que ses précédentes tentatives de contact avec les villages locaux.

Posant une selle sur son ouargue, il y accrocha sacoches, fourrures et nécessaires de survie pour notre duo. Une fois ceci terminé, il monta en premier sur sa monture et aida la guerrière à se placer derrière lui. Crocs Sanglants entama enfin le début de leurs péripéties spirituelles tout en laissant le camp vide de leur présence. Mis à part le croquis de son amour disparu, il n'avait aucun bien matériel qui lui tenait à cœur et rien n'avait de valeur pour que des brigands se servent. C'est donc l'esprit tranquille qu'il les mena en dehors de ses terres. Il prévint tout de même la blonde d'un fait assez important.

- Mira. Nous allons quitté le mont Flamess et mes pouvoirs s'en retrouveront grandement diminués. Je te demanderai donc de faire preuve de la plus grande discrétion pour éviter tout problème.

-C'est une excellente idée ! Je suis sur qu'assaisonner avec les épices locales, le cuistot sera amplement l'affaire pour mon estomac.

Menaça le gigantesque peau-verte. Dévorer un humain ne le rebutait pas et si cela pouvait enlever cette idée idiote de la tête de la blonde c'était déjà ça. Il la supportait déjà et c'était déjà énorme compte tenu de son caractère.

Mais le ton et la conversation avaient changés quand l'idée d'aller faire les globe-trotteurs sembla ravir les deux bipèdes. C'était comme ça qu'ils avaient fini tous les deux sur le dos du vieil ouargue. L'orc leva les yeux au ciel face à la réponse de la blonde. Elle, le protéger ? C'était une blague. Et une très mauvaise blague de surcroît. Se faire escorter par une femelle humaine ?!? Plutôt se faire dévorer par une wyverne que subir un tel déshonneur.

Reniflant simplement, il ne lui fit pas part de ses pensées et préféra se concentrer sur leur destination. Ils allaient avoir de la route. Beaucoup de route. Et cela lui sembla soudainement une moins bonne idée pour le coup. Rester des heures avec une pipelette, voilà bien sa peine.